Bref. 2
Bref est de retour avec une saison deux qui n'a rien de bref (pareil que cette critique).

Treize ans après la fin de la saison 1 de Bref., Kyan Khojandi et Bruno "Navo" Muschio sont de retour non pas avec un film (comme pouvait le laisser deviner le dernier épisode de la série), mais avec une drôle de saison 2.
Adieu les épisodes de deux minutes. Pour cette nouvelle fournée, les créateurs ont opté pour un format long. Six épisodes de 35 à 40 minutes, qui seront disponibles dès le 14 février sur Disney+. Avant d'aller plus loin, je tiens à préciser que j'ai beaucoup aimé Bref. Et la série tient d'ailleurs toujours la route aujourd'hui. C'est frais et malin. Et surtout, une idée (bonne ou mauvaise) en chasse une autre, grâce au rythme effréné qui a fait le succès du concept.
Bon, depuis, je suis vachement moins "fan" de Kyan Khojandi, que ce soit sur scène ou dans Hot Ones (ou en chansons). Mais cela n'a pas trop influencé mon avis sur cette saison deux. Tout simplement car, dans sa version Disney+, Bref. a d'autres soucis, qui m'ont rapidement sauté aux yeux, et ont un peu éclipsé le reste.

Le premier souci ne surprendra personne : le format long ne convient pas à Bref. Au-delà du nom de la série, c'est avant tout un problème de rythme qui vient gâcher l'idée de départ. Et ce dès les premières minutes du premier épisode. Après une séquence d'introduction "classique" (montage nerveux, voix off, temporalité éclatée et multiplication des séquences et des lieux), "Je" (Kyan Khojandi) se retrouve seul dans son appartement. Je dirai même nu, dans ce grand appartement vide. Il n'y a personne d'autre à l'écran. Pas de musique. Pas de voix off. Pas de montage. Rien d'autre qu'un plan classique, comme on en trouve des tonnes dans n'importe quelle série ou n'importe quel film. Sauf que dans Bref., un tel vide est suspect. On s'attend à une blague, à un flash-back, ou à une astuce visuelle ou scénaristique dont le duo a le secret. Mais ces pirouettes n'arrivent pas, et la scène devient (ou du moins, parait) extrêmement longue et lente.
Ce rythme qui retombe est logique. Un épisode de 45 minutes avec un montage nerveux et non-stop comme en saison 1 rendrait fou les spectateurs. Du coup, à chaque fois qu'une séquence rythmée laissait place à une séquence plus calme, j'avais l'impression de remarcher après avoir fait une heure de course sur un tapis. Ça déstabilise, et ce n’est pas très agréable.
Le deuxième souci est également lié au format. Comme la série s'appelle toujours Bref., il fallait que les fans retrouvent ce qu'ils ont aimé en 2011 sur Canal +. Le personnage principal est donc condamné à faire des apartés, plusieurs fois par épisode, afin de permettre à la série de proposer ces montages nerveux. Malheureusement, le procedé est trop artificiel et ça se sent. Consacrer un épisode de deux minutes sur les courses au supermarché est différent de laisser un personnage prendre son temps dans une scène plus "calme", puis de lui faire dire "ça me rappelle que, quand je fais les courses, idée une, observation deux, opinion trois." Résultat : les épisodes manquent cruellement de fluidité.
Ce qui m'amène au troisième problème : comment raconter une histoire sur toute une saison, avec un rythme aussi fluctuant ? Visiblement, Khojandi et Muschio n'y sont pas parvenus. On ne sait jamais sur quel pied danser, ce qui est dommage, parce que l'idée principale est intéressante. "Je" a 40 ans, est toujours aussi perdu, et veut reprendre sa vie en main. Il y a de jolis moments (la réunion avec les anciennes versions de lui-même, notamment), une progression plutôt maline, et des scènes émouvantes (Laura Felpin fait vraiment le taf). Mais Bref. 2 veut être tout et son contraire à la fois. Un format court devenu long; un long qui se veut court; un concept qui veut jouer dans la cour des grands; et une série qui n'oublie pas ses racines. En rallongeant les épisodes, les créateurs ont gâché des cartouches qui auraient été mieux mises en valeur dans l'ancien format. Je pense d'ailleurs que le succès de Bref. 2 passera notamment par les réseaux sociaux. Si on découpe les 6 épisodes, il y a de quoi publier des dizaines de TikTok bien vus (comme le format de la série de base, quoi).



Bon, je passe rapidement sur les autres détails qui m'ont saoulé. Comme les nombreux effets spéciaux qui sont ni beaux ni utiles. L'idée qu'une relation est semblable à une voiture est répétitive, simpliste et donne lieu à des séquences chères et vilaines. Tu m'étonnes que, vu le budget nécessaire, Canal+ a dit non merci.
Côté casting, il y a de bonnes surprises (Felpin, mais aussi Doria Tillier et Noémie Lvovsky dans des petits rôles). Mais c'est surtout la course au caméo et aux apparitions de gens plus ou moins connus de YouTube et de la scène. Le problème, c'est que, quand même le vendeur de glace, qui n'apparaît que dans une mini-scène, est connu, bah c'est plus une série, mais un sketch pour les Césars. Et moi, ça me sort complètement de l'histoire. Oh, et comment oublier Carlito, qui joue un homosexuel tout droit sorti de la Cage aux Folles (le petit foulard autour du cou, en 2025, c’est parfait pour le hater que je suis).
Enfin, et ça rejoint mes remarques précédentes : quand une idée est mauvaise, elle est tirée en longueur à cause du format. La saison 1 avait aussi son lot de mauvaises idées, tout ne peut pas être parfait. Mais comme je le disais, une idée en chassait une autre, donc on n'avait pas trop le temps de s'en rendre compte ou de s'attarder dessus. Ici, un épisode entier est consacré à une maladie, qui est représentée visuellement par un champ de bataille futuriste. Et c'est la totale : scènes d'affrontements, bestioles en 3D, vaisseaux spatiaux (on est dans Bref., je rappelle...), costumes, armes, effets spéciaux. C'est d'une lourdeur sans nom.
Bref (vous l'avez ?) : je trouve l'idée d'une suite pas si mauvaise que ça. J'aime beaucoup l'évolution du personnage principal. J'ai bientôt 40 ans, donc je suis pile dans la cible, j'imagine. J'ai été très content de revoir certains acteurs, certains persos secondaires (l'évolution de Baptiste, ou même de Ben et Marla et du personnage d'Alice David). Ça reste évidemment très drôle. Y'a des trucs très malins, et bien plus mature qu'en saison 1 (logique, et c'est d'ailleurs le sujet principal de cette saison 2). Mais pour parvenir à tous ces aspects qui me parlent, il faut se farcir une longueur inutile; des concepts qui fonctionnent moins bien mais qui occupent pas mal de temps d'écran; et finalement, il faut se farcir l'héritage de Bref., et ce montage nerveux qui, par moments, m'a autant fatigué et dérangé qu'une pub au milieu d'une longue vidéo YouTube.
Alors, fallait-il proposer une saison 2 qui se débarrasse complètement de l'ADN de Bref., ou revenir au format court ? Je n'en sais rien, mais j'imagine que la question s'est posée. J'espère simplement que, si une saison 3 voit le jour (et après tout, pourquoi pas, ça aurait du sens), la réponse de Khojandi et Muschio sera moins hésitante, voire complètement différente.